Contrats post-doctoraux – Campagne 2014 : Contrat n° 1

« Mobilités touristiques,  patrimoine et globalisation ».

L’entrée depuis les années 1980 dans une nouvelle étape de la mondialisation, dans une nouvelle étape du capitalisme, dans une nouvelle ère patrimoniale et dans une nouvelle phase touristique sont des évolutions bien identifiées, mais souvent pensées séparément. Tandis que les transformations patrimoniales sont expliquées par une crise du rapport au temps voire par un nouveau régime d’historicité présentiste (F. Hartog, 2012), les nouvelles mobilités touristiques sont rattachées au nouveau rapport à l’espace typique de la mondialisation contemporaine.

Le projet de recherche dans lequel sera intégré la/le post-doctrant(e) envisage de penser ensemble ces dynamiques de la mondialisation, du patrimoine et du tourisme.

Il cherche à explorer la place des mobilités touristique (et du tourisme de façon plus générale en tant que phénomène social total et globalisé) dans la production des patrimoines, dans une approche que nous pouvons qualifier de « patrimondialisation ».

Le néologisme de patrimondialisation, qui joue sur l’assonance entre les processus de patrimonialisation et de mondialisation, désigne à la fois la mondialisation du patrimoine et la mondialisation par le patrimoine. Il raisonne en termes de processus (M. Rautenberg, 2004; A. Micoud, 2005), et de reconfigurations scalaires. Il dépasse ainsi l’idée des extensions multiples (F. Choay, 1997) de la notion de patrimoine (Babelon, Chastel, 2008)au profit de l’idée d’un saut qualitatif et d’un changement de logique – passage de la sélectivité des monuments historiques au tout-patrimoine et plus fondamentalement d’un changement de positionnement dans le champ social : la patrimonialisation interfère de plus en plus, de façon multiforme, avec la, ou plutôt avec les mondialisations (C. Ghorra-Gobin, 2001).Un rescaling se manifeste, tout d’abord par la montée en puissance d’acteurs internationaux, supranationaux et transnationaux de la patrimonialisation : l’Unesco, l’UE, les élites transnationales mais aussi les industries touristiques et les touristes.

La nouvelle étape de mondialisation s’accompagne d’un nouveau rapport au territoire qui reconfigure les mobilités touristiques, le patrimoine et leurs relations. L’entrée dans l’ère de l’hypermobilité (F. Ascher, 1983) et dans une « société nomade » (R. Knafou, 2002) permise par la nouvelle révolution des transports et par un nouveau rapport aux frontières conduit à une croissance et à une complexification des mobilités touristiques à différentes échelles spatiales et temporelles.

Mais elle transforme aussi la patrimonialisation qui entretient des rapports croissants avec les mobilités. Loin de se construire dans l’enracinement des territoires, comme un bastion contre la « circulation » (J. Beauchard, 1995), le patrimoine devient parfois le produit-même des mobilités. Il est le résultat de transactions globalisées de capitaux, flux, symboles, labels et expériences, dans lesquels les mobilités touristiques jouent un rôle à la fois d’orchestrateur, d’ordonnateur et de brasseur.

Ces évolutions témoignent de nouveaux processus en cours qui incitent à voir les mobilités touristiques comme un des facteurs majeurs de la production sociale du patrimoine, ce qui n’a été abordé que dans la marge par la recherche française ou européenne. A fortiori, les conséquences de ces évolutions (sur les territoires et leur positionnement ; sur l’économie touristique ; sur l’émergence de pôles patrimoniaux ; sur l’identité) restent aujourd’hui largement sous-étudiées, malgré les enjeux économiques, sociaux, politiques et géopolitiques conséquents.

Ces questionnements sont au centre des préoccupations du Groupe de Travail « L’espace de la mobilité » et apporteront des éléments de réponses originaux à deux de ses axes structurants. Par son appréhension de la mobilité, et en particulier de la mobilité touristique, comme catégorie fondatrice de l’espace et de la patrimondialisation, cette recherche contribuera à la construction des savoirs loin d’une approche fixiste de l’espace et des spatialités. Par son analyse de l’évolution des mobilités touristiques et, en particulier de leur rôle dans l’émergence et le positionnement de certains lieux, ce post-doctorat donnera également à voir les facettes différenciées des recompositions territoriales et les nouveaux rapports au territoire dans un monde fortement interconnecté et globalisé.

APPROCHE

La/le post-doctorant(e) est invité(e) à aborder, dans le cadre de ce contrat, l’analyse comparatiste de plusieurs sites / contextes / biens patrimoniaux, inscrits sur la liste du patrimoine mondial ou pas, matériels ou immatériels, afin d’étudier la façon dont leur constitution, évolution, (re)écriture interfèrent avec  les mobilités touristiques – voire même sont le produit de ces mobilités.

Sont donnés ci-après, de façon indicative, des exemples de sites ou de biens patrimoniaux qui pourraient être retenus. Mais ceux-ci pourront être rediscutés en fonction des profils des candidats.

1.            Un site inscrit sur la liste du patrimoine mondial

Le Patrimoine mondial de l’Unesco représente en particulier un laboratoire privilégié pour étudier les relations nationales-globales, locales-globales (glocalisation patrimoniale, R. Robertson, 1997), globales-globales (interférences entre mondialisation du tourisme et mondialisation du patrimoine).Angkor Vat (Cambodge)pourrait représenter un terrain intéressant et faire partie d’un des terrains, pour le caractère exemplaire d’un site dont non seulement la restauration et la mise en valeur est gérée par un consortium international mais dont la nature de cette restauration est en partie dictée par les mobilités touristiques. La « patrimondialisation » à l’œuvre ici est celle de la production d’un « produit monumental »voire d’un produit touristique mondial.

2.            Un bien du patrimoine culturel immatériel

Le théâtre Kabuki du Japon pourrait bien illustrer ces problématiques par le caractère exemplaire d’un vecteur transmetteur de patrimoine immatériel sauvé par le tourisme. Il peut illustrer la manière dont le tourisme contribue à la protection, à la muséification, à la marchandisation en amplifiant son rôle dans les enjeux de la patrimondialisation depuis le temps où le Japon s’est ouvert aux influences occidentales.

3.            Un exemple de patrimoine international « nationalisé » ou un exemple de patrimoine post-colonial

Nous pouvons ici citer à titre d’exemple les quartiers des concessions internationales de Tianjin ; ces concessions peuvent illustrer la façon dont on opère un mouvement depuis la création internationale, vers leur « nationalisation », et le rôle joué par le tourisme national chinois.

Ces exemples sont cités ici à titre indicatif. Il appartient aux candidats de proposer les exemples et les terrains qui leur semblent les plus pertinents. Les exemples sélectionnés seront traités selon une grille d’analyse croisée qui permettra de dégager les « nœuds », les « passerelles », les « limites » de la façon dont ils s’inscrivent dans un contexte de mondialisation par ou pour le tourisme. Une attention particulière sera accordée aux touristes eux-mêmes, vus comme des acteurs – « passeurs » ou « défenseurs » – de ces patrimoines.

Connaissances et aptitudes requises :

La/le post-doctorant recruté doit avoir un bagage important dans le double domaine du patrimoine et du tourisme, par ses études doctorales, ses productions scientifiques, ses expériences au sein d’organismes et institutions nationales ou internationales travaillant sur le tourisme et/ou le patrimoine.

Elle/il maîtrise les problématiques situés dans le croisement du tourisme (politique, géopolitique des mobilités touristiques ;  sociologie, géographie, économie du tourisme) et du patrimoine (excellente compréhension de la notion du patrimoine et de la patrimonialisation et de leurs implications).

Elle/il sera en mesure d’analyser la façon dont elle/il s’en saisira des cas d’études proposés ci-dessus- ou en argumentant sur d’autres cas qu’elle/il proposera éventuellement. L’appel ci-joint met l’accent sur des cas asiatiques qui intéressent tout particulièrement les laboratoires concernés. Les candidatures proposant une approche comparatiste mobilisant d’autres contextes internationaux seront également examinées.

Elle/il maîtrise parfaitement le français et anglais. La connaissance d’une troisième langue lui permettant d’aborder des terrains asiatiques [ou, le cas échéant, d’une langue concernant les exemples proposés par la/le candidat(e)] sera particulièrement appréciée.

Les principales qualités que requiert ce poste sont : capacité à conceptualiser / capacité à proposer un design de recherche comparatiste et multisituée / capacité de travailler en équipe sur une thématique qui irrigue plusieurs projets en cours.

Informations complémentaires :

Début du contrat : 01/09/2014

Durée du contrat : 1 an

Laboratoire d’affectation : EIREST, IREST, 12 place du Panthéon – 75005 PARIS

Encadrants : Maria Gravari-Barbas (EIREST) et Nadine Cattan (Géographie-Cités).

Salaire : 2324€ net

Calendrier et procédure : 

Le dossier de candidature devra démontrer l’adéquation au profil du poste (mission et compétences requises). Il comprendra :

  • la fiche de renseignements en français / application form in english ;
  • une lettre de motivation ;
  • un Curriculum Vitae ;
  • le projet de recherche (5 pages maximum) ;
  • la liste des publications ;
  • deux publications ;
  • le rapport de soutenance (sauf candidats étrangers) ;
  • une copie du diplôme de docteur (ou attestation) ;
  • deux lettres de recommandation.

La date limite d’envoi des dossiers de candidatures est fixée au 09 mai 2014.

Tous les dossiers seront envoyés à l’adresse suivante : labex.dynamite@hesam.eu

  • Les candidats retenus après examen des dossiers seront tenus informés des résultats à partir du 30 juin 2014.